Projet de recherche "Résolution-Métis"
Genèse du projet "Résolution-Métis"
Le 29 mars 2018, la Chambre des représentants adoptait à l’unanimité une « Résolution relative à la ségrégation subie par les métis issus de la colonisation belge en Afrique », ci-après « Résolution-Métis » (voir aussi l'« État de la mise en œuvre de la Résolution » du 3 juillet 2023). L’adoption de cette Résolution marque d’abord l’aboutissement d’un long combat mené par les métis et leurs ayants droit et relayé par des associations, des chercheurs, des parlementaires et des médias. Elle constitue également une reconnaissance officielle de “la ségrégation ciblée dont les métis ont été victimes sous l’administration coloniale du Congo belge et du Ruanda-Urundi jusqu’en 1962 et suite à la décolonisation, ainsi que la politique d’enlèvements forcés y afférente".
La Résolution prend acte de plusieurs problèmes juridiques auxquels les personnes métisses sont confrontées, tels que l'absence d'actes de naissance (article 1). Elle formule 11 demandes qui appellent à répondre aux défis liés à l'absence ou à la rupture de liens familiaux (articles 2, 7, 8 et 9) et à élargir l'accès aux archives conservées en Belgique et ailleurs (articles 3, 4, 5 et 8).
En ce qui concerne spécifiquement le projet de recherche "Résolution-Métis", la Résolution demande au Gouvernement fédéral
Les articles 6 et 7 de la Résolution-Métis demandaient spécifiquement au Gouvernement :
-
que soit menée une recherche historique circonstanciée sur le rôle joué par les autorités civiles et des autorités ecclésiastiques dans la façon dont les métis ont été traités à l’époque coloniale au Congo belge et au Ruanda-Urundi. (art. 6)
-
que soit répertorié l’ensemble des dossiers personnels des métis et que soient effectuées des corrélations entre eux, afin de pouvoir résoudre notamment les problèmes causés par des changements de noms ou une mauvaise orthographe de ceux-ci. (art. 7)
Mise en oeuvre de la "Résolution-Métis"
Un groupe de travail a été formé dans le sillage de l’adoption de la résolution afin d’étudier la meilleure manière de la mettre en œuvre. Ce groupe de travail a intégré des représentants de l’Association des Métis de Belgique, des Archives de l’État, de l’AfricaMuseum, du SPF Justice, du SPF Affaires étrangères, des cabinets du Premier ministre, de l’Intérieur, de l’Égalité des Chances et de la Politique scientifique, ainsi qu’un expert universitaire. Le groupe de travail s’est réuni à plusieurs reprises à l’été et à l’automne 2018 et a décidé que la recherche concernant la ségrégation subie par les personnes métisses issues de la colonisation belge aurait lieu en deux phases successives :
-
Phase 1 (quatre ans) : constitution d’une base de données rassemblant les parcours individuels, familiaux et collectifs des métis issus de la colonisation (art. 7);
-
Phase 2 (quatre ans) : réalisation d’une étude historique circonstanciée, devant notamment établir les responsabilités des autorités civiles et religieuses dans la ségrégation subie par les métis (art. 6)
La phase 1 du projet a débuté le 1er septembre 2019 sous la direction conjointe du SPF Affaires étrangères, qui finance la recherche, et des Archives de l’État. En septembre 2023, forte de ses acquis et de son importance, elle a été prolongée jusqu'en janvier 2026.
La phase 2 a débuté le 1er février 2022 et est co-financée par les cabinets Affaires étrangères et Coopération, et le SPP Politique scientifique. Elle doit être finalisée en janvier 2026.
En 2023, la Chambre des Représentants a fait le point sur l'état d'avancement des 11 points de la "Résolution-Métis", y compris - mais pas seulement - les recherches menées aux Archives de l'Etat. Le compte-rendu a été mis à disposition.
Le projet
Une recherche globale
Afin de répondre aux objectifs des articles 6 et 7 de la Résolution de 2018, le projet de recherche s'attache à étudier le rôle et l'impact des structures administratives, religieuses, juridiques et associatives sur les trajectoires des personnes métisses nées dans l’ensemble des territoires colonisés et sous mandat/tutelle de la Belgique (Congo et Ruanda-Urundi) et durant la totalité de la période de l’État Indépendant du Congo ainsi que de domination belge, donc de 1885 à 1960.
Un vaste travail d'identification et de traitement de sources issues de fonds publics et privés a été entrepris depuis fin 2019. Il permet de répondre aux demandes individuelles adressées au projet (phase 1) et de soutenir la recherche historique (phase 2). Bien que distinctes, ces deux phases sont donc étroitement liées et se nourrissent mutuellement.
La politique de ségrégation instaurée par le régime colonial belge a donné lieu à l’éclatement de fratries, à la perte d’identité et à l’arrachement d’enfants à leur famille biologique. Elle a aussi généré une production d'archives dispersées. La phase I du projet accompagne les métis coloniaux et leurs descendants qui souhaitent accéder aux dossiers d’archives qui les concernent, dans ce dédale archivistique. Cette dispersion des archives témoigne de la complexité et de l'étendue de l'objet de recherche et de la pluralité des parcours individuels et collectifs des métis. Ceux-ci sont intégrés à la recherche non seulement grâce aux archives mais aussi en agrégeant des témoignages oraux et en poursuivant un dialogue régulier avec les associations contemporaines de métis.
Des sources variées
Cette recherche s’appuie sur le dépouillement d’une grande variété de sources. Il s’agit notamment d’identifier et d’étudier plusieurs milliers de dossiers provenant
- des près de 10 kilomètres des « archives africaines » - en cours de transfert du SPF Affaires étrangères vers les Archives de l’État -;
- d’autres fonds d’archives publiques et privées en Belgique et à l’étranger: Association pour la Protection/Promotion des Mulâtres, congrégations religieuses, Église protestante unie de Belgique, Saint-Siège, etc.
Il s'agit d'une recherche de longue haleine, et le corpus des sources pris en compte sera étoffé au fil de nos recherches. Nous élargirons notamment ce corpus en y incluant des sources conservées dans les actuelles Républiques du Congo, Rwanda et Burundi, mais aussi à des témoignages récoltés auprès de métis ou de leur famille.
Une approche participative
Tout en garantissant la neutralité et l’indépendance de la recherche, nous travaillons en étroite collaboration avec des associations représentant les métis et leurs ayants droit en Belgique et en Afrique centrale. Nous collaborons également avec les institutions ayant acquis une expertise dans l’accompagnement et la gestion de la consultation de dossiers d’adoption et avec des représentants du monde politique. L’optique de ce projet est donc participative et inclusive, reposant sur un profond respect des vécus, expériences et expertises de chacun.e. Ainsi, il répond de manière à la fois professionnelle et humaine aux demandes des métis et de leurs ayants droit désireux de retracer leur histoire personnelle et de retrouver leurs origines.
Le projet de recherche « Résolution-Métis » étant de nature exclusivement scientifique, l’équipe chargée du projet n’est aucunement compétente en matière d'obtention de la nationalité, de réparations, naturalisations, visas, actes d'état civil, ou de compensations financières éventuelles.
Un projet attentif aux enjeux sociétaux
La "loi du 21 mars 2023 permettant l'accès aux archives en vue de la recomposition des familles à la suite des séparations contraintes" facilite désormais l'accès aux dossiers et aux données personnelles de personnes tierces, dans le cadre des demandes de recherche des origines introduites par les métis. L'équipe du projet, soutenue par les Archives de l'État et les membres des différents comités de suivi du projet, a plaidé depuis 2019 pour l’introduction en droit belge d’un régime dérogatoire au RGPD, en vertu de son considérant 158. C'est désormais chose faite. La loi votée le 21 mars 2023 permet enfin de mieux répondre à l'une des missions les plus importantes qui ont été confiées à l'équipe par le gouvernement. En effet, jusqu'à présent, le cadre juridique existant rendait parfois extrêmement difficile toute reconstitution de liens de filiation et de fratrie, l'accès aux données à caractère personnel de personnes tierces potentiellement vivantes étant strictement soumis à leur accord préalable. La loi adoptée permet, dans des conditions spécifiques, de déroger à ce régime strict de protection des données.